Les citations de Michel de Montaigne Ă chaque pied son soulier. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 La vraie science est une ignorance qui se sait. Michel de Montaigne ; Les pensĂ©es diverses 1580 Quand le faire et le dire vont ensemble, c'est une belle harmonie Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il n'est pas de passion qui Ă©branle tant la sincĂ©ritĂ© des jugements comme la colĂšre. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il n'est rĂ©plique si piquante que le mĂ©pris silencieux. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 La plus expresse marque de la sagesse, c'est une Ă©jouissance constante. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Le gain de notre Ă©tude, c'est en ĂȘtre devenu meilleur et plus sage. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 L'obstination et ardeur d'opinion est la plus sĂ»re preuve de bĂȘtise. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 La parole est moitiĂ© Ă celui qui parle, moitiĂ© Ă celui qui Ă©coute. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il n'est rien qu'on doive tant recommander Ă la jeunesse que l'activitĂ© et la vigilance. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il n'est dĂ©sir plus naturel que le dĂ©sir de connaissance. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il faut apprendre Ă souffrir ce qu'on ne peut Ă©viter. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Qui craint de souffrir, il souffre dĂ©jĂ de ce qu'il craint. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il ne faut pas laisser au jugement de chacun la connaissance de son devoir. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 De toutes les vanitĂ©s, la plus vaine c'est l'homme. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 La vraie libertĂ©, c'est de pouvoir toute chose sur soi. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 L'amitiĂ© se nourrit de communication. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 L'Ă©loquence fait injure aux choses qui nous dĂ©tourne Ă soi. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Le monde n'est que babil et ne vis jamais homme qui ne dise plutĂŽt plus que moins qu'il ne doit. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Le silence et la modestie sont qualitĂ©s trĂšs commodes Ă la conversation. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Savoir par cĆur n'est pas savoir, c'est tenir ce qu'on a donnĂ© en garde Ă sa mĂ©moire. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Toute autre science est dommageable Ă celui qui n'a la science de la bontĂ©. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Toute Ăąme s'Ă©largit d'autant plus qu'elle se remplit. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Quiconque aura sa vie Ă mĂ©pris se rendra toujours maĂźtre de celle d'autrui. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Rien de noble ne se fait sans hasard. Michel de Montaigne ; Les essais 1580
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Sila thĂ©orie de l'Ă©volution est vraie, comment se fait-il que les mĂšres de fami Jean-Marie Adiaffi Si la thĂ©orie de l'Ă©volution est vraie, comment se fait-il que les mĂšres de famille n'aient toujours que deux mains ? Jean-Marie Adiaffi.. Des citations cĂ©lĂšbres de films cultes, des citations cĂ©lĂšbres d'amour, citations d'amitiĂ©, citations de films, citations d'humour.Rien nâĂ©gale la timiditĂ© de lâignorance, si ce nâest sa tĂ©mĂ©ritĂ©. Quand lâignorance se met Ă oser, câest quâelle a en elle une boussole. Cette boussole, câest lâintuition du vrai, plus claire parfois dans un esprit simple que dans un esprit compliquĂ©. Victor HugoLe Dico des citations
GastonBachelard. Gaston Louis Pierre Bachelard, né à Bar-sur-Aube le 27 juin 1884 et mort à Paris le 16 octobre 1962, est un philosophe français des sciences, de la poésie, de l'éducation et du temps. Directeur de l' Institut d'histoire des sciences et des techniques (IHST), il est l'un des principaux représentants de l'école
Forum Futura-Sciences les forums de la science MATIERE Chimie Concentration d'un diacide î RĂ©pondre Ă la discussion Affichage des rĂ©sultats 1 Ă 14 sur 14 19/07/2010, 17h54 1 ruru69 Concentration d'un diacide - Bonjour Ă tous, J'ai un petit souci, j'ai un exercice avec une solution d'H2SO4 Ă 96%. Je dois calculer sa concentration sachant que le pH de la solution est de 3. Sachant que c'est un diacide je suis vraiment perdu, j'ai rien compris au cours, qq'un pourrait m'expliquer? je vous en remercie bcq - 19/07/2010, 18h45 2 RuBisCO Re Concentration d'un diacide Bonjour, et bienvenue sur Futurascience, ruru69. EnvoyĂ© par ruru69 Sachant que c'est un diacide je suis vraiment perdu Je te donne toutes les informations qu'il te faut et je suis sur qu'elles sont dans ton cours - un acide est considĂ©rĂ© comme fort si son ionisation en solution diluĂ©e est totale. Sinon, il s'agit d'un acide faible. - le pH est donnĂ© par la relation pH=-log[H3O+] - l'acide sulfurique H2SO4 est un diacide considĂ©rĂ© comme fort. Fonctionne par Ă©tape - cherches la dissociation de H2SO4 en solution aqueuse - dĂ©duis-en la concentration effective des oxonium. - rĂ©sous l'Ă©quation qui s'impose naturellement. Bonne chance "La vraie science est une ignorance qui se sait." Montaigne 19/07/2010, 18h57 3 RuBisCO Re Concentration d'un diacide Je trouve une concentration C = "La vraie science est une ignorance qui se sait." Montaigne 19/07/2010, 19h15 4 Re Concentration d'un diacide OK pour la concentration molaire. Maintenant, si c'est la concentration massique que l'on te demande, il faut encore utiliser l'information que tu possĂšdes sur la fraction massique "solution d'H2SO4 Ă 96%". Aujourd'hui A voir en vidĂ©o sur Futura 19/07/2010, 19h33 5 ruru69 Re Concentration d'un diacide J'ai bien compris qu'il y a 2H+, mais j'ai du mal si j'avais eu la concentration et trouver le pH, ok mais l'inverse trouver la concentration. Je pensais qu'il fallait calculer avec les pka 19/07/2010, 19h35 6 Re Concentration d'un diacide EnvoyĂ© par ruru69 J'ai bien compris qu'il y a 2H+, mais j'ai du mal si j'avais eu la concentration et trouver le pH, ok mais l'inverse trouver la concentration. Je pensais qu'il fallait calculer avec les pka Et alors comment ferais-tu en sachant que la concentration est celle qui t'a Ă©tĂ© donnĂ© pour retrouver le pH? 19/07/2010, 19h36 7 RuBisCO Re Concentration d'un diacide De plus, c'est un acide fort, donc les pKa, tu oublies. "La vraie science est une ignorance qui se sait." Montaigne 19/07/2010, 19h43 8 ruru69 Re Concentration d'un diacide Ok je crois que je me suis un peu emballĂ© en fait c'Ă©tait simple merci de votre aide et de votre patience 19/07/2010, 19h44 9 Re Concentration d'un diacide De rien mais ce qui serait bien c'est que tu nous montres que tu as bien compris! 19/07/2010, 19h56 10 Re Concentration d'un diacide en faite la seconde dĂ©protonation n'est pas forte, elle a un pka de 2. pour ĂȘtre rigoureux il faut calculer avec une dĂ©protonation obligatoire, et calculer la fraction de la seconde dĂ©protonation, dans ton cas ça sera 10/11 donc ta concentration est de 5*10-4 * 2/1,91 ce calcul considĂšre que 5*10-4 est le rĂ©sultat correct pour un diacide fort 19/07/2010, 20h10 11 ruru69 Re Concentration d'un diacide pH=-log[H3O+] [ ] = 10^-pH j'ai utilisĂ© ce genre de formule et dĂ©cidemment je ne sais pas si c'est la fatigue mais je ne trouve pas comme vous. 19/07/2010, 20h13 12 RuBisCO Re Concentration d'un diacide Je vais te transmettre par message privĂ© un petit rĂ©sumĂ©, mais il faut que je tape plus vite. "La vraie science est une ignorance qui se sait." Montaigne 19/07/2010, 20h14 13 ruru69 Re Concentration d'un diacide 21/07/2010, 18h25 14 RuBisCO Re Concentration d'un diacide Depuis tes questions, cher ruru69, j'ai entiĂšrement Ă©crit la mĂ©thode dans les J'espĂšre que ce sera utile Ă tous ceux qui ont des problĂšmes sur le pH. "La vraie science est une ignorance qui se sait." Montaigne Sur le mĂȘme sujet Discussions similaires diacide Par DarwinRyan dans le forum Chimie RĂ©ponses 3 Dernier message 03/01/2009, 00h19 Diacide Par mranium dans le forum Chimie RĂ©ponses 5 Dernier message 11/03/2008, 22h01 RĂ©ponses 3 Dernier message 03/02/2008, 17h15 RĂ©ponses 5 Dernier message 12/11/2007, 22h30 RĂ©ponses 1 Dernier message 15/05/2007, 13h17 Fuseau horaire GMT +1. Il est actuellement 02h22.
Lemot "ignorance" est utilisĂ© en deux significations. Tout d'abord, c'est un manque intellectuel de culture et d'ignorance. Quand une personne ne connaĂźt pas, par exemple, tout comme Sherlock Holmes, que la Terre tourne autour du Soleil. DeuxiĂšmement, la dĂ©finition de «l'ignorance» a un sens familier â de se comporter de maniĂšreLe concept de vĂ©ritĂ© », compris comme dĂ©pendant de faits qui dĂ©passent largement le contrĂŽle humain, a Ă©tĂ© lâune des voies par lesquelles la philosophie a, jusquâici, inculquĂ© la dose nĂ©cessaire dâ prestige de la science a longtemps tenu au fait quâon lui confĂ©rait le pouvoir symbolique de proposer un point de vue surplombant sur le monde assise sur un refuge neutre et haut-placĂ©, sĂ»re dâelle-mĂȘme, elle semblait se dĂ©ployer Ă la fois au cĆur du rĂ©el, tout prĂšs de la vĂ©ritĂ© et hors de lâhumain. Cette image est aujourdâhui dĂ©passĂ©e. Nous avons compris que la science nâest pas un nuage lĂ©vitant calmement au-dessus de nos tĂȘtes elle pleut littĂ©ralement sur nous. Ses mille et une retombĂ©es pratiques, qui vont de lâinformatique Ă la bombe atomique en passant par les vaccins, les OGM et les lasers, sont diversement connotĂ©es et diversement apprĂ©ciĂ©es ici, ce que la science permet de faire rassure ; lĂ , ce quâelle annonce angoisse. Tout se passe comme si ses discours, ses rĂ©alisations et ses avancĂ©es devaient constamment ĂȘtre interrogĂ©s, systĂ©matiquement mis en ballotage. 2Certes, cette situation nâest pas vraiment nouvelle ni spĂ©cialement postmoderne » Ă bien regarder en arriĂšre, on constate que chaque fois que la science nous a permis dâagir librement sur des aspects de la rĂ©alitĂ© qui sâimposaient jusquâalors Ă nous comme un destin, lâangoisse de commettre un sacrilĂšge et la peur de sortir des contours de notre nature se sont exprimĂ©es de maniĂšre spectaculaire ainsi quand GalilĂ©e ouvrait Ă lâintelligibilitĂ© dâun univers oĂč les mĂȘmes lois valaient sur la terre comme au ciel ; ou quand Darwin inscrivit lâhomme dans la chaĂźne de lâĂ©volution des espĂšces ; a fortiori quand, aujourdâhui, le gĂ©nie gĂ©nĂ©tique, la procrĂ©ation mĂ©dicalement assistĂ©e, les nanotechnologies ou la biologie synthĂ©tique nous permettent dâobtenir de la vie biologique des effets dont elle paraissait incapable. 3Reste que la puissance de dĂ©voilement de la science et lâimpact des techno-sciences sur les modes de vie provoquent dĂ©sormais des rĂ©actions de rĂ©sistance qui semblent de plus en plus fortes, quâelles soient dâordre culturel, social ou idĂ©ologique ces rĂ©actions peuvent ĂȘtre le dĂ©sir de rĂ©affirmer son autonomie face Ă un processus qui semble nous Ă©chapper ; ou bien lâenvie de dĂ©fendre des idĂ©aux alternatifs contre la menace dâun modĂšle unique de comprĂ©hension ou de dĂ©veloppement ; ou bien encore la volontĂ© de rendre sa pertinence au dĂ©bat dĂ©mocratique quand la complexitĂ© des problĂšmes tend Ă le confisquer au profit des seuls et sociĂ©tĂ© un rapport ambivalent4Notre rapport Ă la science est Ă lâĂ©vidence devenu ambivalent. Cela peut se voir sous forme condensĂ©e en mettant lâune en face de lâautre les deux rĂ©alitĂ©s suivantes dâune part, la science nous semble constituer, en tant quâidĂ©alitĂ© câest-Ă -dire en tant que dĂ©marche de connaissance dâun type trĂšs particulier qui permet dâaccĂ©der Ă des connaissances quâaucune autre dĂ©marche ne peut produire, le fondement officiel de notre sociĂ©tĂ©, censĂ© remplacer lâancien socle religieux nous ne sommes certes pas gouvernĂ©s par la science elle-mĂȘme, mais au nom de quelque chose qui a Ă voir avec elle. Câest ainsi que dans toutes les sphĂšres de notre vie, nous nous trouvons dĂ©sormais soumis Ă une multitude dâĂ©valuations, lesquelles ne sont pas prononcĂ©es par des prĂ©dicateurs religieux ou des idĂ©ologues illuminĂ©s elles se prĂ©sentent dĂ©sormais comme de simples jugements dâ experts », câest-Ă -dire quâelles sont censĂ©es ĂȘtre effectuĂ©es au nom de savoirs et de compĂ©tences de type scientifique, et donc, Ă ce titre, impartiaux et objectifs. Par exemple, sur nos paquets de cigarettes, il nâest pas Ă©crit que fumer dĂ©plaĂźt Ă Dieu ou compromet le salut de notre Ăąme, mais que fumer tue ». Un discours scientifique, portant sur la santĂ© du corps, a pris la place dâun discours thĂ©ologique qui, en lâoccurrence, aurait plutĂŽt portĂ© sur le salut de lâĂąme. 5Mais dâautre part â et câest ce qui fait toute lâambiguĂŻtĂ© de lâaffaire â, la science, dans sa rĂ©alitĂ© pratique, est questionnĂ©e comme jamais, contestĂ©e, remise en cause, voire marginalisĂ©e. Elle est Ă la fois objet de dĂ©saffection de la part des Ă©tudiants les jeunes, dans presque tous les pays dĂ©veloppĂ©s, se destinent de moins en moins aux Ă©tudes scientifiques, de mĂ©connaissance effective dans la sociĂ©tĂ© nous devons bien reconnaĂźtre que collectivement, nous ne savons pas trop bien ce quâest la radioactivitĂ©, en quoi consiste un OGM, ce que sont et oĂč se trouvent les quarks, ce quâimplique la thĂ©orie de la relativitĂ© et ce que dirait lâĂ©quation E = mc2 si elle pouvait parler, et, enfin et surtout, elle subit toutes sortes dâattaques, dâordre philosophique ou politique. 6La plus importante de ces attaques me semble ĂȘtre le relativisme radical » cette Ă©cole philosophique ou sociologique dĂ©fend lâidĂ©e que la science a pris le pouvoir non parce quâelle aurait un lien privilĂ©giĂ© avec le vrai », mais en usant et abusant dâarguments dâautoritĂ©. En somme, il ne faudrait pas croire Ă la science plus quâĂ nâimporte quelle autre dĂ©marche de connaissance. Monsieur, personnellement, je ne suis pas dâaccord avec Einstein⊠»7Une anecdote mâa permis de prendre conscience de cette Ă©volution. RĂ©cemment, jâai eu lâoccasion de donner un cours de relativitĂ© et non de relativisme⊠à de futurs ingĂ©nieurs. Alors que je venais dâeffectuer un calcul montrant que la durĂ©e dâun phĂ©nomĂšne dĂ©pend de la vitesse de lâobservateur, un Ă©tudiant prit la parole Monsieur, personnellement, je ne suis pas dâaccord avec Einstein ! » Jâimaginai quâil allait dĂ©fendre une thĂ©orie alternative, ou bien rĂ©inventer lâĂ©ther luminifĂšre, en tout cas quâil allait argumenter. Mais il se contenta de dire Je ne crois pas Ă cette relativitĂ© des durĂ©es que vous venez de dĂ©montrer, parce que je ne la⊠sens pas ! » LĂ , jâavoue, jâai Ă©prouvĂ© une sorte de choc ce jeune homme qui nâavait certainement pas lu Einstein avait suffisamment confiance dans son ressenti » personnel pour sâautoriser Ă contester un rĂ©sultat quâun siĂšcle dâexpĂ©riences innombrables avait cautionnĂ©. Je dĂ©couvris Ă cette occasion que lorsquâelle se transforme en alliĂ©e objective du narcissisme, la subjectivitĂ© semble avoir du mal Ă sâincliner devant ce qui a Ă©tĂ© objectivĂ© si ce qui a Ă©tĂ© objectivĂ© la dĂ©range ou lui dĂ©plaĂźt. 8On ne saurait donner Ă cette anecdote une portĂ©e gĂ©nĂ©rale, mais elle me semble tout de mĂȘme indicatrice dâun changement de climat culturel qui explique au passage la facilitĂ© dĂ©concertante avec laquelle a pu se dĂ©velopper en France la vraie-fausse controverse sur le changement climatique. Aujourdâhui, notre sociĂ©tĂ© semble en effet parcourue par deux courants de pensĂ©e apparemment contradictoires. Dâune part, on y trouve un attachement intense Ă la vĂ©racitĂ©, un souci de ne pas se laisser tromper, une dĂ©termination Ă crever les apparences pour atteindre les motivations rĂ©elles qui se cachent derriĂšre, bref une attitude de dĂ©fiance gĂ©nĂ©ralisĂ©e. Mais Ă cĂŽtĂ© de ce dĂ©sir de vĂ©racitĂ©, de ce refus dâĂȘtre dupe, il existe une dĂ©fiance tout aussi grande Ă lâĂ©gard de la vĂ©ritĂ© elle-mĂȘme la vĂ©ritĂ© existe-t-elle ?, se demande-t-on. Si oui, peut-elle ĂȘtre autrement que relative, subjective, culturelle ? Ce qui est troublant, câest que ces deux attitudes, lâattachement Ă la vĂ©racitĂ© et la suspicion Ă lâĂ©gard de la vĂ©ritĂ©, qui devraient sâexclure mutuellement, se rĂ©vĂšlent en pratique parfaitement compatibles. Elles sont mĂȘme mĂ©caniquement liĂ©es, puisque le dĂ©sir de vĂ©racitĂ© suffit Ă enclencher au sein de la sociĂ©tĂ© un processus critique qui vient ensuite fragiliser lâassurance quâil y aurait des vĂ©ritĂ©s sĂ»res [1]. 9Le fait que lâexigence de vĂ©racitĂ© et le dĂ©ni de vĂ©ritĂ© aillent de pair ne veut toutefois pas dire que ces deux attitudes fassent bon mĂ©nage. Car si vous ne croyez pas Ă lâexistence de la vĂ©ritĂ©, quelle cause votre dĂ©sir de vĂ©racitĂ© servira-t-il ? Ou â pour le dire autrement â en recherchant la vĂ©racitĂ©, Ă quelle vĂ©ritĂ© ĂȘtes-vous censĂ© ĂȘtre fidĂšle ? Il ne sâagit pas lĂ dâune difficultĂ© seulement abstraite ni simplement dâun paradoxe cette situation entraĂźne des consĂ©quences concrĂštes dans la citĂ© rĂ©elle et vient nous avertir quâil y a un risque que certaines de nos activitĂ©s intellectuelles en viennent Ă se dĂ©sintĂ©grer. 10GrĂące Ă la sympathie intellectuelle quasi spontanĂ©e dont elles bĂ©nĂ©ficient, les doctrines relativistes contribuent Ă une forme dâillettrisme scientifique dâautant plus pernicieuse que celle-ci avance inconsciente dâelle-mĂȘme. Au demeurant, pourquoi ces doctrines sĂ©duisent-elles tant ? Sans doute parce que, interprĂ©tĂ©es comme une remise en cause des prĂ©tentions de la science, un antidote Ă lâarrogance des scientifiques, elles semblent nourrir un soupçon qui se gĂ©nĂ©ralise, celui de lâimposture Finalement, en science comme ailleurs tout est relatif. » Ce soupçon lĂ©gitime une forme de dĂ©sinvolture intellectuelle, de paresse systĂ©matique, et procure mĂȘme une sorte de soulagement dĂšs lors que la science produit des discours qui nâauraient pas plus de vĂ©racitĂ© que les autres, pourquoi faudrait-il sâĂ©chiner Ă vouloir les comprendre, Ă se les approprier ? Il fait beau nâa-t-on pas mieux Ă faire quâapprendre sĂ©rieusement la physique, la biologie ou les statistiques ? 11En 1905, Henri PoincarĂ© publiait un livre intitulĂ© La valeur de la science. Un siĂšcle plus tard, cette valeur de la science semble de plus en plus contestĂ©e, non pas seulement par les philosophes dâinspiration subjectiviste ou spiritualiste, toujours prompts Ă exploiter ce qui ressemble de prĂšs ou de loin Ă une crise » de la science, mais aussi par une partie de lâopinion. Dans cette mĂ©fiance Ă lâĂ©gard du mode de pensĂ©e scientifique, peut-ĂȘtre faut-il lire une sorte de pusillanimitĂ© Ă lâĂ©gard de la vĂ©ritĂ© et de ses consĂ©quences. On se souvient de ce que Musil disait dâUlrich, le personnage principal de LâHomme sans qualitĂ©s, dont on devine quâil aurait sans doute jetĂ© un regard sĂ©vĂšre sur nos façons de penser Pendant des annĂ©es, Ulrich avait aimĂ© la privation spirituelle. Il haĂŻssait les hommes incapables, selon le mot de Nietzsche, âde souffrir la faim de lâĂąme par amour de la vĂ©ritĂ©â ; ceux qui ne vont pas jusquâau bout, les timides, les douillets, ceux qui consolent leur Ăąme avec des radotages sur lâĂąme et la nourrissent, sous prĂ©texte que lâintelligence lui donne des pierres au lieu de lui donner du pain, de sentiments qui ressemblent Ă des petits pains trempĂ©s dans du lait. [2] »La science dit-elle le vrai » ?12EngagĂ©s dans une altercation sĂ©culaire, le doute et la certitude forment un couple turbulent mais insĂ©parable, dont les aventures taraudent la rĂ©flexion europĂ©enne depuis ses dĂ©buts le partage entre ce que lâon sait et ce que lâon croit savoir nâa pas cessĂ© de hanter les philosophes, et, de Socrate Ă Wittgenstein en passant par Pyrrhon et Descartes, les critĂšres du vrai nâont cessĂ© dâĂȘtre auscultĂ©s et discutĂ©s. Ce qui est certain, est-ce ce qui a rĂ©sistĂ© Ă tous les doutes ? Ou bien est-ce ce dont on ne peut pas imaginer de douter ? La vĂ©ritĂ© plane-t-elle au-dessus du monde ou est-elle dĂ©posĂ©e dans les choses et dans les faits ? Peut-on faire confiance Ă la science pour aller lây chercher ? 13Ces questions constituent dâinusables sujets de dissertation, ce qui ne les empĂȘche dâavoir une brĂ»lante actualitĂ© lâair du temps accuse dĂ©sormais la science dâĂȘtre un rĂ©cit parmi dâautres et lâinvite Ă davantage de modestie, parfois mĂȘme Ă rentrer dans le rang ». 14Mais dans le mĂȘme temps et câest ce qui Ă©claire dâune autre maniĂšre lâambivalence de la situation, les discours scientifiques aux accents triomphalistes prolifĂšrent une certaine biologie prĂ©tend bientĂŽt nous dire de façon intĂ©grale et dĂ©finitive ce quâil en est vraiment de la vie ; et rĂ©guliĂšrement, des physiciens thĂ©oriciens aux allures de cadre supĂ©rieur de chez MĂ©phistophĂ©lĂšs affirment quâils sont en passe de dĂ©couvrir la ThĂ©orie du Tout » qui permettra une description Ă la fois exacte et totalisante de ce qui est. Le physicien amĂ©ricain Brian Greene, par exemple, dĂ©clare attendre de la thĂ©orie des supercordes, actuellement Ă lâĂ©bauche, quâelle dĂ©voile le mystĂšre des vĂ©ritĂ©s les plus fondamentales de notre Univers [3] ». Quant Ă Stephen Hawking, il concluait lâun de ses livres par ces mots incroyables Si nous parvenons vraiment Ă dĂ©couvrir une thĂ©orie unificatrice, elle devrait avec le temps ĂȘtre comprĂ©hensible par tout le monde dans ses grands principes, pas seulement par une poignĂ©e de savants. Philosophes, scientifiques et personnes ordinaires, tous seront capables de prendre part Ă la discussion sur le pourquoi de notre existence et de notre univers. Et si nous trouvions un jour la rĂ©ponse, ce sera le triomphe de la raison humaine, qui nous permettrait alors de connaĂźtre la pensĂ©e de Dieu. [4] » La pensĂ©e de Dieu ? Bigre ! Comme sâil allait de soi que Dieu pense », et quâune Ă©quation pourrait nous dire ce quâIl pense⊠15Aujourdâhui, sâagissant de sa capacitĂ© Ă saisir la vĂ©ritĂ© des choses, la science se trouve manifestement tiraillĂ©e entre lâexcĂšs de modestie et lâexcĂšs dâenthousiasme. 16La vĂ©ritĂ©, un idĂ©al rĂ©gulateur ». â Einstein expliquait sa motivation inoxydable par son besoin irrĂ©sistible de sâĂ©vader hors de la vie quotidienne, de sa douloureuse grossiĂšretĂ© et de sa dĂ©solante monotonie [5] », et dâespĂ©rer ainsi dĂ©couvrir des vĂ©ritĂ©s scientifiques ». DĂ©tourner les chercheurs de cet idĂ©al rĂ©gulateur, de cette force motrice, reviendrait Ă dĂ©tendre les ressorts de leur engagement, de leur volontĂ©, de leur motivation. Pour espĂ©rer avancer, ils doivent impĂ©rativement croire sinon Ă lâaccessibilitĂ© de la vĂ©ritĂ©, du moins Ă la possibilitĂ© de dĂ©masquer les contre-vĂ©ritĂ©s. Et sans doute doivent-ils aussi adhĂ©rer implicitement Ă une conception modĂ©rĂ©ment optimiste, selon laquelle la vĂ©ritĂ©, dĂšs lors quâelle est dĂ©voilĂ©e, peut-ĂȘtre reconnue comme telle ; et, si elle ne se rĂ©vĂšle pas dâelle-mĂȘme, croire quâil suffit dâappliquer la mĂ©thode scientifique pour finir par sâen approcher, voire la dĂ©couvrir personne ne veut passer sa vie Ă effectuer un travail Ă la Sisyphe. 17Pareille attitude, assez rĂ©pandue, ne signifie nullement que les chercheurs puissent trouver la vĂ©ritĂ©, mais au moins quâils la cherchent. Et sâils la cherchent, câest quâils ne lâont pas encore trouvĂ©e. DâoĂč leurs airs tantĂŽt arrogants parce quâĂ force de chercher, ils obtiennent des rĂ©sultats, font des dĂ©couvertes, accroissent leurs connaissances, tantĂŽt humbles parce que, du fait quâils continuent de chercher, ils ne peuvent jamais prĂ©tendre avoir bouclĂ© leur affaire. Dans son Ă©lan mĂȘme, lâactivitĂ© scientifique a donc partie liĂ©e avec lâidĂ©e de vĂ©ritĂ© câest bien elle quâelle vise plutĂŽt que lâerreur. Pour autant, le lien science-vĂ©ritĂ© est-il exclusif ? La science a-t-elle le monopole absolu du vrai » ? Serait-elle la seule activitĂ© humaine qui soit indĂ©pendante de nos affects, de notre culture, de nos grands partis pris fondateurs, du caractĂšre contextuel de nos systĂšmes de pensĂ©e ? Tel semble ĂȘtre le grand dĂ©bat dâaujourdâhui. 18Quelques-unes des thĂšses en prĂ©sence. â Certains soutiennent quâil nây a pas dâautre saisie objective du monde que la conception scientifique le monde ne serait rien de plus que ce que la science en dit ; avec leur symbolisme purifiĂ© des scories des langues historiques, les Ă©noncĂ©s scientifiques dĂ©crivent le rĂ©el ; les autres Ă©noncĂ©s, quâils soient mĂ©taphysiques, thĂ©ologiques ou poĂ©tiques, ne font quâexprimer des Ă©motions ; bien sĂ»r, cela est parfaitement lĂ©gitime, et mĂȘme nĂ©cessaire, mais il ne faut pas confondre les ordres. 19Aux antipodes de cette conception positiviste, dâautres considĂšrent que la vĂ©ritĂ© est surtout un mot creux, une pure convention. Elle ne saurait donc ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une norme de lâenquĂȘte scientifique, et encore moins comme le but ultime des recherches. Certains sociologues des sciences ont ainsi pu prĂ©tendre que les thĂ©ories scientifiques tenues pour vraies » ou fausses » ne lâĂ©taient pas en raison de leur adĂ©quation ou inadĂ©quation avec des donnĂ©es expĂ©rimentales, mais seulement en vertu dâintĂ©rĂȘts purement sociologiques [6]⊠En clair, il faudrait considĂ©rer que toutes nos connaissances sont conventionnelles et artificielles, donc gommer lâidĂ©e quâelles pourraient avoir le moindre lien avec la rĂ©alitĂ©. 20Ces auteurs dĂ©noncent Ă©galement lâidĂ©ologie de lâobjectivitĂ© scientifique, arguant que les chercheurs sont des gens partisans, intĂ©ressĂ©s, et que leurs jugements sont affectĂ©s par leur condition sociale, leurs ambitions ou leurs croyances. Selon eux, lâobjectivitĂ© de la science devrait nĂ©cessairement impliquer lâimpartialitĂ© individuelle des scientifiques eux-mĂȘmes elle serait une sorte de point de vue de nulle part, situĂ© au-dessus des passions, des intuitions et des prĂ©jugĂ©s. Or, avancent-ils, la plupart du temps, les chercheurs ne sont pas impartiaux. Par exemple, ils ne montrent guĂšre dâempressement Ă mettre en avant les faiblesses de leurs thĂ©ories ou de leurs raisonnements. Lâesprit scientifique, au sens idĂ©al du terme, serait donc introuvable, et la prĂ©tendue objectivitĂ© de la science ne serait que la couverture idĂ©ologique de rapports de forces dans lesquels la nature nâa pas vraiment son mot Ă dire. Tout serait créé, et en dĂ©finitive, la physique en dirait moins sur la nature que sur les physiciens. 21La meilleure parade contre ce genre de raisonnements consiste sans doute Ă faire remarquer que si lâobjectivitĂ© de la science Ă©tait entiĂšrement fondĂ©e sur lâimpartialitĂ© ou lâobjectivitĂ© de chaque scientifique, nous devrions lui dire adieu. Nous vivons tous dans un ocĂ©an de prĂ©jugĂ©s et les scientifiques nâĂ©chappent pas Ă la rĂšgle. Sâils parviennent Ă se dĂ©faire de certains prĂ©jugĂ©s dans leur domaine de compĂ©tence, ce nâest donc pas en se purifiant lâesprit par une cure de dĂ©sintĂ©ressement. Câest plutĂŽt en adoptant une mĂ©thode critique qui permet de rĂ©soudre les problĂšmes grĂące Ă de multiples conjectures et tentatives de rĂ©futation, au sein dâun environnement institutionnel qui favorise ce que Karl Popper appelait la coopĂ©ration amicalement hostile des citoyens de la communautĂ© du savoir ». Si consensus il finit par y avoir, celui-ci nâest donc jamais atteint quâĂ la suite dâun dĂ©bat contradictoire ouvert. Ce consensus nâest pas lui-mĂȘme un critĂšre absolu de vĂ©ritĂ©, mais le constat de ce qui est, Ă un moment donnĂ© de lâhistoire, acceptĂ© par la majoritĂ© dâune communautĂ© comme une thĂ©orie susceptible dâĂȘtre vraie. 22Nây a-t-il pas en outre quelque chose de bancal dans lâargumentation des relativistes les plus radicaux ? Car contrairement Ă ce qui se passe avec lâhistoire â oĂč la contestation de lâhistoire officielle doit elle-mĂȘme sâappuyer sur lâhistoire, câest-Ă -dire sur de nouvelles donnĂ©es historiques â les dĂ©nonciations des sciences exactes ne se basent jamais sur des arguments relevant des sciences exactes. Elles sâappuient toujours sur lâidĂ©e Ă©tonnante quâune certaine sociologie des sciences serait mieux placĂ©e pour dire la vĂ©ritĂ© des sciences que les sciences ne le sont pour dire la vĂ©ritĂ© du monde⊠En somme, il faudrait se convaincre que la vĂ©ritĂ© nâexiste pas, sauf lorsquâelle sort de la bouche des sociologues des sciences qui disent quâelle nâexiste pas⊠23Certes, nul nâignore que, par exemple, des intĂ©rĂȘts militaires ont contribuĂ© Ă lâessor de la physique nuclĂ©aire. Cela relĂšve dâailleurs de la plus parfaite Ă©vidence la pĂ©riphĂ©rie de la science et son contexte social influencent son dĂ©veloppement. Mais de lĂ Ă en dĂ©duire que de tels intĂ©rĂȘts dĂ©termineraient, Ă eux seuls, le contenu mĂȘme des connaissances scientifiques, il y a un pas qui me semble intellectuellement infranchissable. Car si tel Ă©tait le cas, on devrait pouvoir montrer que nos connaissances en physique nuclĂ©aire exprimeraient, dâune maniĂšre ou dâune autre, un intĂ©rĂȘt militaire ou gĂ©opolitique. Or, si lâhumanitĂ© dĂ©cidait un jour de se dĂ©barrasser de toutes ses armes nuclĂ©aires, il est peu probable que cette dĂ©cision changerait ipso facto les mĂ©canismes de la fission de lâuranium ou du plutoniumâŠLâefficacitĂ© de la science tiendrait-elle du miracle ?24Si lâatome et la physique quantique, pour ne prendre que ces deux exemples, nâĂ©taient que de simples constructions sociales, il faudrait aussi expliquer par quelle succession de miracles » â oui, câest le mot â on a pu parvenir Ă concevoir des lasers. Si les lasers existent et fonctionnent, nâest-ce pas lâindice quâil y a un peu de vrai » dans les thĂ©ories physiques Ă partir desquelles on a pu les concevoir, de vrai » avec autant de guillemets que lâon voudra et un v » aussi minuscule quâon le souhaitera ? En dĂ©finitive, le fait que les lasers fonctionnent nâest-il pas la preuve rĂ©trospective que Planck, Einstein et les autres avaient bel et bien compris deux ou trois choses non seulement Ă propos dâeux-mĂȘmes ou de leur culture, mais â osons le dire â Ă propos des interactions entre la lumiĂšre et la matiĂšre ? 25La sociologie des sciences a certainement raison dâinsister sur lâimportance du contexte dans la façon dont la science se construit. Mais faut-il tirer de ce constat, au bout du compte, des conclusions aussi relativistes que certaines des siennes ? Il est permis dâen douter. Car il serait difficile dâexpliquer dâoĂč vient que les thĂ©ories physiques, telles la physique quantique ou la thĂ©orie de la relativitĂ©, marchent » si bien si elles ne disent absolument rien de vrai. Comment pourraient-elles permettre de faire des prĂ©dictions aussi merveilleusement prĂ©cises si elles nâĂ©taient pas dâassez bonnes reprĂ©sentations de ce qui est ce serait trop dire cependant que dâen dĂ©duire quâelles ne peuvent dĂšs lors quâĂȘtre vraies. En la matiĂšre, le miracle â lâheureuse coĂŻncidence â est trĂšs peu plausible. Mieux vaut donc expliquer le succĂšs prĂ©dictif des thĂ©ories physiques nous parlons ici de celles qui nâont jamais Ă©tĂ© dĂ©menties par lâexpĂ©rience en supposant quâelles nous parlent de la nature, et quâelles arrivent Ă se rĂ©fĂ©rer, plus ou moins bien, Ă cette rĂ©alitĂ©-lĂ . Et que, sans arguments complĂ©mentaires, nos affects, nos prĂ©jugĂ©s, nos intuitions ne sont guĂšre en mesure de les contester sur leur terrain de jeu. 26Reste bien sĂ»r que les sciences ne traitent vraiment bien que des questions⊠scientifiques. Or celles-ci ne recouvrent pas lâensemble des questions qui se posent Ă nous. Du coup, lâuniversel que les sciences mettent au jour est, par essence, incomplet il nâaide guĂšre Ă trancher les questions qui restent en dehors de leur champ. En particulier, il ne permet pas de mieux penser lâamour, la libertĂ©, la justice, les valeurs en gĂ©nĂ©ral, le sens quâil convient dâaccorder Ă nos vies. Lâuniversel que produisent les sciences ne dĂ©finit pas davantage la vie telle que nous aimerions ou devrions la vivre, ni ne renseigne sur le sens dâune existence humaine comment vivre ensemble ? Comment se tenir droit et au nom de quoi le faire ? De telles questions sont certes Ă©clairĂ©es par la science, et mĂȘme modifiĂ©es par elle â un homme qui sait que son espĂšce nâa pas cessĂ© dâĂ©voluer et que lâunivers est vieux dâau moins 13,7 milliards dâannĂ©es ne se pense pas de la mĂȘme façon quâun autre qui croit dur comme fer quâil a Ă©tĂ© créé tel quel en six jours dans un univers qui nâaurait que six mille ans â, mais leur rĂ©solution ne peut se faire quâau-delĂ de son horizon. Notes [*] Physicien, Directeur de recherche au CEA. [1] On trouvera une excellente analyse de ce paradoxe dans lâouvrage de Bernard Williams, VĂ©ritĂ© et vĂ©racitĂ©, NRF Essais, Gallimard, 2006. [2] Robert Musil, LâHomme sans qualitĂ©s, traduit par Philippe Jaccottet, Seuil, vol. I, 2004, chap. XIII, p. 67-68. [3] Brian Greene, LâUnivers Ă©lĂ©gant, trad. C. Laroche, Paris, Robert Laffont, 2000, p. 37. [4] Stephen Hawking, Une brĂšve histoire du temps, trad. I. Naddeo-Souriau, Paris, Flammarion, 1989, p. 213. [5] Albert Einstein, Autoportrait, Inter-Editions, 1980, p. 86. [6] Steven Shapin et Simon Schaffer Ă©crivent par exemple ceci En reconnaissant le caractĂšre conventionnel et artificiel de toutes nos connaissances, nous ne pouvons faire autrement que de rĂ©aliser que câest nous-mĂȘmes, et non la rĂ©alitĂ©, qui sommes Ă lâorigine de ce que nous savons » LĂ©viathan et la pompe Ă air. Hobbes et Boyle entre science et politique, tr. Thierry PiĂ©lat, Paris, Ăditions La DĂ©couverte, 1993, p. 344. UnethĂ©orie est censĂ©e faire avancer la science plutĂŽt qu'Ă la dĂ©finir pour lâĂ©ternitĂ© / "Les hommes naissent ignorants et non stupides. C'est l'Ă©ducation qui les rend stupides," Bertrand Russell. "La science moderne repose sur le constat latin: ignoramus, ânous ne savons pasâ. Elle postule que nous ne savons pas tout," explique Answers & Comments Odette Verified answer LĂ je n'y crois vraiment pas ! Serais c'est certain de l'avis de François Rabelais qui nous affirmait ,,,,,, Ignorance est mĂšre de tous les maux. »Extrait de CinquiĂšme Livre X-Librusse C' est probablement la question qui a amenĂ© Platon Ă opter pour la dictature en imaginant que la dĂ©mocratie peut amener l'ignorance au pouvoir . TĂȘtaclic Parce que... d'abord ...pourquoi ? j'en sais rien..!Tu avoueras que poser une question pareille dans une rubrique ou les connaissances et le savoir sont une force, c'est tout de mĂȘme une gageure. un peu croquignolesque.....Veux tu que je te dĂ©veloppe toute une sĂ©rie d'arguments afin de te convaincre Ă quel point mes connaissances en la matiĂšre sont dĂ©risoires, vaines et stĂ©rile ..ouais quoi ...pourquoi et comment je suis un ignare faiblard et malgrĂ© tout heureux de l'ĂȘtre... heu...reux...un peu comme les simples d'esprit Ă qui le royaume des cieux appartient et qu'ils conservent si prĂ©cieusement ..?..- ? Dans le chef dâĆuvre dâOrwell 1984, un slogan du parti au pouvoir est Lâignorance, câest la force. »Ce que ça signifie en fait, câest que lâignorance du peuple est la force du gouvernement si les gens ne connaissent pas les choses ou ne dispose pas de lâinformation pour prendre les bonnes dĂ©cisions, alors ils sont des sujets et non pas des citoyens informĂ©s. ? Peut-ĂȘtre ...parce que lâignorant ne sait pas, ce quâil faut est censĂ© de savoir. L'ignorance est une faute ! ? "L'indiffĂ©rence est la meilleure des vengeances " "L'ignorance comme l'hypocrysie est le pire des mĂ©pris...le fait d'ignorer quelqu'un comme l'hypocrisie est le pire des mĂ©pris". Æritz le KaT âź . Oui.... le savoir engendre la crainte et nous donne nos vraies limites .....! L 'inconscient ne craint personne ...! Par exemple dans un conflit âș L'ignorance savante, c'est celle de celui qui sait qu'il ne sait pas » Il ne mesure pas le danger Ă sa juste valeur . âș L'ignorance profonde c'est celle de celui qui ne sait pas qu'il ne sait pas ». Il ne sait mĂȘme pas qu'il y a un danger . .. MĂ©tanoĂŻa c'est pas l'ignorance simulĂ©e qui est voulue ou mĂȘme l'indiffĂ©rence qui sont la force, la force vien du dĂ©sir pĂ©dagogique de laisser son semblable rĂ©gler des problĂ©matiques de la vie par lui-mĂȘme; bonnes fĂȘtes de fin d'annĂ©e CheGuevara Pas la force, mais la brutalitĂ©, sinon la force par contre relĂšve de l'intelligence et comme telle elle est douce. Anonyme Est-ce l'ignorance est une force? je ne le savais pas..Bonne annĂ©e! Dansce que nous, scientifiques dâaujourdâhui, ignorons, il y a deux volets : lâignorance de nos connaissances futures, ce que nul encore ne sait ; et lâignorance dâune grande part de nos connaissances passĂ©es, celles que la science a Ă©tablies mais qui ont depuis Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©es ou oubliĂ©es, Ă tort ou Ă raison, selon les domaines et les Ă©poques. Câest que le RĂ©sumĂ© Texte Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s Dans ses Ćuvres morales LâExpulsion de la bĂȘte triomphante, La Cabale du cheval pĂ©gasĂ©en, Giordano Bruno se livre Ă une confrontation trĂšs approfondie avec la thĂ©ologie luthĂ©rienne et augustinienne. Plus spĂ©cifiquement, G. Bruno remet en question la notion dâordre, en opposant au Dieu transcendant et personnel de la tradition chrĂ©tienne la divinitĂ© immanente et productrice de toutes les choses dans lâunivers infini. Il parvient ainsi Ă la formulation dâune anthropologie problĂ©matique », selon laquelle lâhomme nâoccupe quâune place pĂ©riphĂ©rique et excentrĂ©e dans lâordre infini des choses. Par lĂ mĂȘme, la philosophie de Bruno se prĂ©sente comme une entreprise thĂ©orique dont la collocation Ă©pochale se situe en mĂȘme temps entre les frontiĂšres de la Renaissance et du Baroque. In his moral works Expulsion of the Triumphant Beast, The Caballa of the Pegasean Horse, Giordano Bruno grapples very thoroughly with the Lutheran and Augustinian theologies. More specifically, he questions the notion of order by pitting agains the personal, transcendent God of the Christian tradition an immanent divinity that generates all things in an infinite universe. He thus propounds a problematical » anthropology according to which man only occupies a marginal and off-centre place in the infinite order of things. Brunoâs philosophy therefore presents itself as a theoretical project appertaining both to the Renaissance and the Baroque de page Texte intĂ©gral 1 Cf. Hans Blumenberg, La LĂ©gitimitĂ© des temps modernes, Paris, Gallimard, 1999, pp. 543-545. 1Dans un ouvrage dĂ©sormais classique et Ă maints Ă©gards magistral, La lĂ©gitimitĂ© des temps modernes, Hans Blumenberg affirme que Giordano Bruno et Nicolas de Cuse, "ne font pas Ă©poque, aucun nâest fondateur dâune Ă©poque. Et cependant tous deux se distinguent par la relation quâils ont face au seuil dâune Ă©poque. La spĂ©cificitĂ© de leurs systĂšmes est fondĂ©e sur la façon dont ils sont ordonnĂ©s au seuil dâĂ©poque. La diffĂ©rence la plus significative entre les deux maniĂšres de se rapporter au seuil dâune Ă©poque se trouve dans les positions de deux mĂ©taphysiciens spĂ©culatifs face aux questions liĂ©es Ă la rĂ©forme copernicienne. Ce quâil y a de prĂ©copernicien chez Nicolas de Cuse, dans la mesure oĂč ce nâest pas encore moderne, est tout aussi spĂ©cifique de son systĂšme de pensĂ©e que lâest, chez Bruno, ce quâil y a de postcopernicien, dans la mesure oĂč il ne sâagit pas lĂ dâun assentiment pur et simple Ă une thĂ©orie astronomique, mais de la volontĂ© de lâĂ©lever au rang de fil directeur de la mĂ©taphysique cosmologique et anthropologique. Tous deux, le Cusain comme le Nolain, ont leurs arriĂšre pensĂ©es inexprimĂ©es. Ce qui les distingue, ce nâest pas le degrĂ© dâinexprimĂ© mais le degrĂ© dâindicible, ou plus prĂ©cisĂ©ment encore le lien quâils entretiennent avec la possibilitĂ© de "mettre quelque chose en langage". Que, pour lâun, ait encore Ă©tĂ© possible ce qui devait devenir irrĂ©alisable pour lâautre â la conciliation des opposĂ©s comme principe du monde, reprĂ©sentĂ©e par le salut dans lâincarnation, ce nâĂ©tait pas lĂ une affaire de diffĂ©rence de foi ou de capacitĂ© Ă assumer le destin, câĂ©tait la diffĂ©rence entre ce qui Ă©tait encore historiquement possible et ce qui ne lâĂ©tait plus"1. 2Selon H. Blumenberg, ce qui est dĂ©sormais indicible chez Bruno est la puissance transcendante dâun Dieu se rĂ©vĂ©lant dans le monde. Blumenberg appelle cela la prise en compte de lâautoĂ©puisement de la puissance infinie de Dieu dans lâunivers infini. La puissance infinie de Dieu ne demeure pas une possibilitĂ©, en partie inexprimĂ©e et toujours exprimable par une libre dĂ©cision du crĂ©ateur â elle sâest complĂštement et totalement affirmĂ©e dans lâunivers infini. Ce qui entraĂźne deux consĂ©quences lâimpossibilitĂ© de la christologie â de lâIncarnation de la puissance divine Ă un moment donnĂ© de lâhistoire du monde â et une anthropologie problĂ©matique, câest-Ă -dire la difficultĂ©, intrinsĂšque Ă la conception de lâautoĂ©puisement de la puissance divine dans lâunivers infini, de fournir une dĂ©finition cohĂ©rente et stable de la nature humaine. 3Je voudrais ici mâinterroger sur ce que H. Blumenberg appelle la possibilitĂ© de "mettre quelque chose en langage" de la part dâun philosophe, autrement dit je voudrais mettre en Ă©vidence le degrĂ© dâindicibilitĂ© qui caractĂ©rise la pensĂ©e de G. Bruno. Je voudrais ainsi essayer de comprendre ce que la langue philosophique de Bruno ne peut plus "dire" Ă partir prĂ©cisĂ©ment du seuil dâĂ©poque constituĂ© par la rĂ©forme copernicienne. Câest en effet dans cet "indicible", et non pas dans cet "inexprimable", qui se trouve probablement la collocation Ă©pochale de Bruno et par lĂ mĂȘme la possibilitĂ© de dĂ©terminer la signification des catĂ©gories de "Baroque" et de "Renaissance". 2 Cf. Michele Ciliberto, La ruota del tempo. Interpretazione di Giordano Bruno, Rome, Editori Riuniti ... 3 Cf. Ă ce sujet, Alfonso Ingegno, La sommersa nave della religione. Studio sulla polemica anticristi ... 4Dans ce contexte, il est sans doute intĂ©ressant dâanalyser la problĂ©matisation brunienne de lâanthropologie par rapport Ă une question prĂ©cise, renvoyant Ă la notion thĂ©ologique dâordre. Lâanalyse de cette notion permet de comprendre le rapport que la philosophie de Bruno entretient avec une certaine thĂ©ologie spĂ©culative, en particulier celle de saint Augustin. Pour illustrer cette problĂ©matique, il convient de se rapporter aux Ćuvres morales de Bruno et plus spĂ©cifiquement Ă la Cabale du cheval pĂ©gasĂ©een. Câest en effet dans cet ouvrage que Bruno se livre Ă une confrontation approfondie avec la pensĂ©e de saint Augustin2. La Cabale est publiĂ©e Ă Londres en 1585, un an aprĂšs lâExpulsion de la bĂȘte triomphante, et elle fait partie des Ćuvres "italiennes" du philosophe. Dans lâExpulsion de la bĂȘte triomphante et dans la Cabale du cheval pĂ©gasĂ©en, G. Bruno se propose de dĂ©finir les principes dâune rĂ©forme philosophique et morale de grande envergure, permettant Ă lâhumanitĂ© de sâĂ©manciper de la religion chrĂ©tienne, et notamment de la religion chrĂ©tienne dans sa forme extrĂȘme et "dĂ©cadente" le protestantisme de Calvin et de Luther. Bruno tente dans ces deux Ćuvres de rĂ©pondre Ă ce quâil considĂšre comme une condition de crise profonde affectant lâEurope de la fin du XVIe siĂšcle une crise religieuse, philosophique, politique, Ă©conomique et sociale. Câest dire que Bruno cherche dâabord Ă Ă©lucider les causes des guerres de religions3. 4 Cf. M. A. Granada, Giordano Bruno. Universo infinito, uniĂłn con Dios, perfecciĂłn del hombre, Barcel ... 5Dans lâExpulsion de la bĂȘte triomphante, Bruno met en lumiĂšre les causes de cette crise qui affecte lâEurope de son temps la cause premiĂšre, et sans doute la plus importante, rĂ©side dans la destruction, opĂ©rĂ©e par le Christianisme, du lien entre la Nature et la divinitĂ©. Avec la victoire de la religion chrĂ©tienne, Dieu sâest Ă©loignĂ© de la nature. Câest-Ă -dire que la religion chrĂ©tienne est la religion de la sĂ©paration et en mĂȘme temps de la soumission de la Nature au pouvoir transcendant dâun Dieu crĂ©ateur. En termes philosophiques, la "puissance absolue" de Dieu soumet la nature en vertu de sa "puissance ordonnĂ©e", et cette soumission lĂ©gitime le retrait de Dieu de la nature. La nature est ainsi privĂ©e de la vie divine, et elle devient par consĂ©quent une rĂ©alitĂ© complĂštement inanimĂ©e. Aux yeux de Bruno, cette sĂ©paration entre Dieu et la nature est davantage aggravĂ©e par la mĂ©diation christique ; le Christ reprĂ©sente en effet la lĂ©gitimation dĂ©finitive de cette sĂ©paration. La nature constitue ainsi la seule et unique mĂ©diation entre Dieu et les hommes4. 5 Cf. Michele Ciliberto, Giordano Bruno, Rome-Bari, Laterza, 1992. 6Cette rupture entre la nature et la divinitĂ© est accentuĂ©e par les protestants, notamment avec la thĂ©orie luthĂ©rienne de la grĂące. Cette thĂ©orie reprĂ©sente en effet pour Bruno le triomphe de lâinactivitĂ©, le refus de sâengager dans la connaissance naturelle et dans la pratique Ă©thico-politique. Pour surmonter la crise et pour expulser la "bĂȘte triomphante" de la culture europĂ©enne, il sâagit dâinstituer une nouvelle religion naturelle, calquĂ©e sur le modĂšle de la religion naturelle des Ă©gyptiens. La vraie religion est la religion naturelle, la religion philosophique qui permet de crĂ©er, Ă partir du lien originaire entre Dieu et la nature, de nouveaux liens de civilisation et de progrĂšs entre les hommes. Il sâagit en dĂ©finitive de la "religion naturelle" de lâeffort et de lâactivitĂ© â de la vertu machiavĂ©lienne. Le modĂšle de la vertu machiavĂ©lienne trouve ainsi sa lĂ©gitimitĂ© dans la religion naturelle comme condition de possibilitĂ© de la religion civile, la seule en mesure de rĂ©former et de remplacer la fausse reforme des rĂ©formĂ©s5. 6 Giordano Bruno, La Cabale du cheval pĂ©gasĂ©en, in Ćuvres complĂštes, t. VI, Paris, Les Belles Lettres ... 7 Bruno, OC, VI, p. 60. 7Dans la Cabale, Bruno approfondit davantage ces problĂ©matiques, mais selon une perspective qui Ă premiĂšre vue renverse tous les solutions exposĂ©es dans lâExpulsion. Dans le Premier Dialogue de lâĆuvre, Bruno reconnaĂźt la valeur de lâignorance et de lâasinitĂ©, câest-Ă -dire de la passivitĂ© et de lâoisivetĂ©. Il affirme en effet que "savoir, câest ignorer"6, et que la vraie sagesse consiste dans la dĂ©couverte de la vĂ©ritĂ© par lâignorance. Câest dire que dans ce premier dialogue, Bruno reprend la thĂšse cĂ©lĂšbre de la docte ignorance formulĂ©e par Nicolas de Cuse. Câest dans cette optique cusanienne que Bruno fait lâĂ©loge de lâignorance comme non-savoir indispensable Ă la saisie, partielle et limitĂ©, de la vĂ©ritĂ© divine. Le savoir humain de la divinitĂ© ne peut ĂȘtre quâignorance. Câest pourquoi selon Bruno lâasinitĂ© possĂšde un caractĂšre cĂ©leste ou cabalistique il faut en effet que les hommes imitent et deviennent comme les Ăąnes qui, pour les cabalistes, sont les symboles de la sagesse divine. En sâappuyant notamment sur le De occulta philosophia dâAgrippa, Bruno affirme que "si lâĂąne est bien le symbole de la sagesse dans les Sefirot divins, câest parce que celui qui veut pĂ©nĂ©trer les secrets et les refuges cachĂ©s de cette sagesse doit nĂ©cessairement faire mĂ©tier dâĂȘtre sobre et patient, avoir museau, tĂȘte et dos dâĂąne"7. 8 Ibid., p. 74-76. 9 Ibid., p. 82. 8Dans cette perspective, Bruno Ă©numĂšre les genres possibles dâignorance ou dâasinitĂ©. Il existe par exemple lâignorance des thĂ©ologiens mystiques celle de Denys lâArĂ©opagite, celle des sceptiques pyrrhoniens ou encore celle des thĂ©ologiens chrĂ©tiens, "parmi lesquels lâhomme de Tarse lâa dâautant plus magnifiĂ©e quâelle passe par une trĂšs grande folie auprĂšs de tout le monde"8. Câest prĂ©cisĂ©ment dans le cadre de lâanalyse de lâasinitĂ© thĂ©ologique chrĂ©tienne que Bruno cite saint Augustin. "Le savant Augustin, tout enivrĂ© par ce divin nectar, tĂ©moigne dans ses Soliloques que lâignorance, plutoÌt que la science, nous conduit Ă Dieu, et que la science, plutoÌt que lâignorance, fait notre perte. Pour figurer cela, il veut que le rĂ©dempteur du monde soit entrĂ©e dans JĂ©rusalem grĂące aux jambes et aux pieds des Ăąnes, signifiant par anagogie dans la citĂ© militante ce qui doit sâavĂ©rer dans la citĂ© triomphante"9. 9Ă la fin du premier dialogue, Augustin reprĂ©sente aux yeux de Bruno le modĂšle thĂ©ologique incarnant parfaitement la docte ignorance, celui pour lequel "il ne saurait y avoir au monde de meilleure contemplation que celle qui nie toute science". En ce sens, la morale augustinienne, fondĂ©e sur le refus de la curiositas et sur lâacceptation de la part de lâhomme de son ignorance essentielle devant lâimmensitĂ© divine, dĂ©signe la pratique la mieux adaptĂ©e pour parvenir au salut et Ă lâobtention de la grĂące. Pour accĂ©der au royaume des cieux, il faut que les hommes deviennent des Ăąnes â câest-Ă -dire des ignorants. Ce nâest quâen imitant lâĂąne cabalistique que les hommes peuvent parvenir au salut et gagner ainsi lâimmortalitĂ©. Bruno entend par lĂ souligner le fait que la connaissance humaine de la divinitĂ© nâest jamais totale â elle est toujours "compliquĂ©e" par lâignorance, par lâombre et la similitude, par le jeu complexe des conjectures. 10Dans le DeuxiĂšme dialogue de la Cabale, Bruno change visiblement de problĂ©matique, sans pour autant dĂ©laisser la rĂ©fĂ©rence Ă lâasinitĂ©. Bruno y dĂ©crit en effet les vicissitudes dâun Ăąne volant ou cheval pĂ©gasĂ©en au nom dâOnorio â câest-Ă -dire dâun Ăąne cĂ©leste, qui passe Ă travers diffĂ©rentes rĂ©incarnations, dont celle dâun Ăąne concret, dâun philosophe sceptique et mĂȘme dâAristote. Bruno se sert ici du mythe pythagoricien de la mĂ©tempsycose comme modĂšle fictif et littĂ©raire pour illustrer son propos. Que montre le cycle des diffĂ©rentes rĂ©incarnations du cheval pĂ©gasĂ©en ? En dâautres termes que dĂ©couvre lâĂąne Onorio au fil des diffĂ©rents passages sur terre en tant que bĂȘte Ăąne concret et homme ? 10 Ibid, p. 92-94. QuâĂ partir de la mĂȘme matiĂšre corporelle se font tous les corps et de la mĂȘme substance spirituelle se font tous les esprits. [Par consĂ©quent] que lâĂąme de lâhomme nâest pas diffĂ©rente en substance de celle des bĂȘtes. LâĂąme de lâhomme est semblable par son essence spĂ©cifique et gĂ©nĂ©rique Ă celle des mouches, des huĂźtres marines, des plantes et de tout ce qui est animĂ© ou a une Ăąme comme il nâest pas de corps qui, avec plus ou moins de vivacitĂ© et de perfection, nâait communication dâesprit en lui-mĂȘme. Or cet esprit, par destin, providence, ordre ou fortune, vient Ă se joindre tantoÌt Ă une espĂšce de corps, tantoÌt Ă une autre ; et, en fonction de la diversitĂ© des complexions et des membres, il vient Ă acquĂ©rir diffĂ©rents degrĂ©s et perfections de lâesprit et dâopĂ©rations. De lĂ rĂ©sulte que cet esprit, ou cette Ăąme, qui Ă©tait dans lâaraignĂ©e et y avait une certaine industrie, ces griffes et ces membres en tel nombre, quantitĂ© et forme, ce mĂȘme esprit, une fois atteinte la gĂ©nĂ©ration humaine, acquiert une autre intelligence, dâautres instruments, aptitudes et 11 Ibid., VI, p. 96. Sur la mĂȘme problĂ©matique, cf. ibidem, p. 26. 11VoilĂ le premier enseignement de lâĂąne cĂ©leste dans lâordre productif de la nature, les hommes ne possĂšdent aucune supĂ©rioritĂ© intellectuelle sur les bĂȘtes. LâĂąme appartient en effet Ă toutes les espĂšces vivantes, car tous les ĂȘtres vivants sont dotĂ©s dâintellect. Bruno affirme mĂȘme "quâil est possible que beaucoup dâanimaux puissent avoir plus dâesprit et un intellect bien plus Ă©clairĂ©s que lâhomme"11. Lâhomme appartient ainsi Ă lâordre de la nature, tant du point de la substance spirituelle que de la substance corporelle. De ce point de vue, il ne constitue pas une exception ontologique. Selon Bruno, en effet, si lâhomme, avec son esprit, pouvait se mĂ©tamorphoser en serpent, il deviendrait serpent Ă tous les effets. 12Quâest-ce qui constitue par consĂ©quent la spĂ©cificitĂ© de la nature humaine ? 12 Ibid., p. 96-98. Pour te persuader que câest la vĂ©ritĂ©, considĂšre les choses dâun peu plus prĂšs et imagine par toi-mĂȘme ce quâil arriverait si lâhomme avait deux fois plus dâesprit, si lâintellect agent brillait en lui beaucoup plus clairement quâil ne brille et si, de surcroĂźt, ses mains se trouvaient transformĂ©es en deux pieds, tout le reste demeurant dans son intĂ©gritĂ© ordinaire ; dis-moi oĂč pourrait subsister la relation entre les hommes ? OĂč seraient les institutions de doctrine, les inventions de discipline, les congrĂ©gations des citoyens, les structures des Ă©difices et tant dâautres choses qui sont les signes de la grandeur et de lâexcellence humaines et qui font de lâhomme le triomphateur vĂ©ritablement invaincu des autres espĂšces ? Tout cela, Ă y regarder de prĂšs, ne renvoie pas tant Ă ce quâil dicte lâesprit quâĂ ce que dicte la main, organes des organes12. 13 Voir Arisote, De Anima, III, 8, 432 a 1, Paris, GF Flammarion, 1993, p. 239 "LâĂąme ressemble Ă la ... 13Bruno rĂ©interprĂšte ici la cĂ©lĂšbre dĂ©finition aristotĂ©licienne de la main comme organe des organes13 Ă la lumiĂšre dâune problĂ©matique qui le conduit Ă la dĂ©finition de ce quâon pourrait appeler une "anthropologie organique ». Quels sont les caractĂšres dâune telle anthropologie ? 14 Cf. Nicola Badaloni, Giordano Bruno. Tra cosmologia e etica, Bari-Rome, De Donato, 1988. 14Dâabord, câest le fait que lâhomme ne possĂšde aucune supĂ©rioritĂ© intellectuelle et aucune dignitĂ© morale dans lâordre naturel des choses. Ce nâest pas lâĂąme ou les Ăąmes qui façonnent la nature humaine. Cette nature est en rĂ©alitĂ© dĂ©terminĂ©e par un organe spĂ©cifique, par la main, car câest la conformation organique du corps qui dĂ©signe lâappartenance Ă une espĂšce vivante. Comment lâhomme, cette "nature" dotĂ©e dâune main, peut-il acquĂ©rir une dignitĂ© morale dans lâordre de la nature, comment peut-il devenir le triomphateur vĂ©ritablement invaincu des autres espĂšces ? Ă travers la connaissance naturelle et la pratique, câest-Ă -dire en construisant des liens de civilisation. Câest par la constitution de ces liens complexes que lâesprit de lâhomme acquiert sa spĂ©cificitĂ©, câest donc par lâusage de lâorgane de la main que lâesprit de lâhomme peut rĂ©ellement se dĂ©velopper. La nature humaine parvient ainsi Ă la possession de sa puissance â cognitive et pratique â Ă partir de lâusage de lâorgane qui dĂ©signe son appartenance spĂ©cifique Ă lâordre naturel des ĂȘtres. Cela signifie que la perfection de cette nature se fonde sur les processus dâinteraction perpĂ©tuels entre lâactivitĂ© humaine et son milieu â câest-Ă -dire ce quâil rĂ©sulte de sa pratique. Bruno ne reconnaĂźt Ă lâhomme aucune dignitĂ© naturelle, mais, en mĂȘme temps, câest prĂ©cisĂ©ment en vertu de cette dĂ©substantialisation de la nature humaine quâil lĂ©gitime sa dignitĂ© morale Ă partir de lâeffort cognitif et de lâactivitĂ©14. 15 Bruno, OC, VI, p. 112. 15Quels sont les autres enseignements quâOnorio a tirĂ©s de ses voyages et des rĂ©incarnations sur la terre. Quâest-ce que le cheval pĂ©gasĂ©en a appris lorsquâil est incarnĂ© en Aristote ou en philosophe sceptique ? Il a appris que ces philosophes et ces philosophies ont dĂ©truit la philosophie naturelle â la vraie connaissance des mĂ©tamorphoses naturelles. Bruno considĂšre ainsi Aristote comme Ă©tant le principal responsable de la fin de la philosophie naturelle. Voici en effet ce quâaffirme lâĂąne Onorio incarnĂ© en Aristote "Câest Ă cause de moi que la science naturelle et divine sâest Ă©teinte, tout en bas de la roue, alors quâelle avait connu son apogĂ©e au temps des ChaldĂ©ens et des pythagoriciens"15. 16Ce qui est encore plus grave aux yeux de Bruno est le fait que les hommes ont acceptĂ© ces philosophies dâune maniĂšre complĂštement passive et sans les remettre en question. Les hommes, nourris dâaristotĂ©lisme et de scepticisme, sont devenus rĂ©ellement des bĂȘtes, des Ăąnes Ă part entiĂšre ; ils renoncent Ă connaĂźtre et ils ne dĂ©sirent plus connaĂźtre, car ils estiment que toute forme de savoir est dĂ©sormais impossible. Ainsi leur science prĂ©sumĂ©e nâest quâignorance de la nature, câest-Ă -dire ignorance du cycle infini de la mĂ©tamorphose des ĂȘtres, de lâordre Ă©ternel de la vicissitude. 16 Voir A. Ingegno, "LâExpulsion de la bĂȘte triomphante. Une mythologie moderne", in Mondes, formes et ... 17La Cabale du cheval pĂ©gasĂ©en sâachĂšve prĂ©cisĂ©ment sur cette problĂ©matique, rĂ©sumĂ©e par A. Ingegno en ces termes "Comment rĂ©aliser la coĂŻncidence entre une ignorance qui se reconnaĂźt comme savoir suprĂȘme et un savoir qui finit par se rĂ©vĂ©ler comme une pure et simple ignorance" ?16. Autrement dit comment connaĂźtre la nature suivant les principes de la philosophie naturelle ou de la docte ignorance ? 17 Voir Ingegno, "LâExpulsion de bĂȘte triomphante. Une mythologie moderne", op. cit., p. 83. 18La rĂ©ponse se trouve dans lâappendice Ă la Cabale, dans un texte trĂšs court, trĂšs cryptĂ© et trĂšs cryptique, intitulĂ© LâĂąne cillĂ©nique ou lâĂąne de Mercure. LâĂąne de Mercure est celui qui conjugue la science et lâignorance, celui qui sait que la divinitĂ© est dans les choses mais quâelle ne sera jamais connue en raison de son infinitĂ©. Mais comment fait-il pour possĂ©der cette docte ignorance ? RĂ©ponse parce quâil est Ă la fois homme et bĂȘte, parce quâil est un Ăąne avec des mains. LâĂąne de Mercure est lâhomme qui sait et qui nâoublie pas quâil aussi animal, et câest en vertu de cette connaissance et de cette mĂ©moire quâil peut connaĂźtre et trouver la divinitĂ© dans les choses. Lâ"homme-Ăąne" ne prĂ©tend pas abandonner lâordre naturel des choses, parce quâil sait quâil appartient nĂ©cessairement Ă cet ordre. En effet, "lâĂąne de Mercure possĂšde les attributs de lâanimal et de lâhomme, en conservant ce que les hommes ont dâhumain sans rien perdre de ce quâils ont dâanimal"17. 19Ce nâest donc quâĂ la fin que le sens de tout lâouvrage sâĂ©claire. Pourquoi Bruno sâoppose-t-il au Christianisme ? Parce que le Christianisme a brisĂ© le lien entre la nature et la divinitĂ©, en brisant Ă©galement le lien entre lâignorance et la vĂ©ritĂ©, donc entre lâhomme et lâanimal. Le christianisme a progressivement convaincu les hommes quâils ne sont que des Ăąnes ce qui est vrai mais il les a aussi persuadĂ©s Ă rester des Ăąnes en les empĂȘchant de devenir des hommes. La religion chrĂ©tienne a rendu non seulement les hommes oisifs et incapables dâagir, mais elle les aussi transformĂ©s en des Ăąnes concrets, câest-Ă -dire quâelle les a rendu complĂštement et rĂ©ellement ignorants. Les hommes sont devenus des "bĂȘtes" dont le seul organe qui fonctionne est lâoreille, nĂ©cessaire pour Ă©couter les ordres dâun Dieu ineffable, quâils ne pourront dâailleurs jamais comprendre. En ce sens, lâĂąne chrĂ©tien ne sait pas "lier" la connaissance des choses naturelles Ă la pratique, Ă lâactivitĂ© finalisĂ©e au bien public et au dĂ©veloppement de la civilisation. 18 Bruno, OC, VI, p. 34. 20En effet, "ce sont les sots de ce monde qui ont fondĂ© la religion, les cĂ©rĂ©monies, la loi, la foi et la rĂšgle de vie. Les plus grands Ăąnes du monde ceux qui, privĂ©s de tout autre sentiment et de toute doctrine, dĂ©pourvus de toute vie sociale et de toute coutume civile, pourrissent dans lâĂ©ternelle pĂ©danterie sont ceux qui, par la grĂące du ciel, rĂ©forment la foi souillĂ©e et corrompue [...] ; ce ne sont pas ceux qui, plein dâune curiositĂ© impie, vont ou allĂšrent jamais poursuivre les arcanes de la nature et calculer les vicissitudes des Ă©toiles"18. 19 Ibid., p. 38. 21Non seulement la religion chrĂ©tienne a Ă©tĂ© fondĂ©e par des sots et par des Ăąnes, mais ceux qui prĂ©tendent aujourdâhui la rĂ©former sont doublement sots et ignorants. Ce qui est de toute maniĂšre clair pour Bruno est le fait que les fondateurs de la religion chrĂ©tienne sont "les pauvres dâesprit, les petits enfants, ceux dont les discours sont puĂ©rils ; ceux qui, par mĂ©pris du monde, ont banni tout soin du corps et de la chair qui entoure leur Ăąme, cette chair dont ils se sont dĂ©pouillĂ©s, quâils ont piĂ©tinĂ©e et jetĂ©e Ă terre, pour faire passer plus glorieusement et triomphalement lâĂąnesse de son cher Ăąnon"19. 22Câest prĂ©cisĂ©ment dans le cadre de cette problĂ©matique que Bruno sâoppose Ă saint Augustin. En effet, Augustin reprĂ©sente pour Bruno le modĂšle de lâasinitĂ© chrĂ©tienne. Pourquoi Augustin reprĂ©sente-t-il ce modĂšle ? Parce quâAugustin et Bruno Ă©laborent deux conceptions diffĂ©rentes de lâordre naturel en confĂ©rant par lĂ mĂȘme un sens et un statut diffĂ©rents Ă la puissance humaine et aux formes multiples de son affirmation. 20 Cf. Saint Augustin, Les Confessions, livre X ; sur la diffĂ©rence entre "amour dâusage" et "amour de ... 23Pour Augustin, lâordre de la crĂ©ation se dĂ©ploie en effet selon la logique de la hiĂ©rarchie qui va du crĂ©ateur suprĂȘme jusquâaux plus petites crĂ©atures en passant par lâhomme. Dans cette hiĂ©rarchie, lâhomme occupe une place privilĂ©giĂ©e il est au-dessus de toutes les autres crĂ©atures et au-dessous de son crĂ©ateur. Il ne peut donc agir que dans les marges de cette nĂ©cessitĂ© ordonnĂ©e. Câest lĂ le fondement de la morale augustinienne, synthĂ©tisĂ©e par la dialectique entre lâamour de jouissance et lâamour dâusage. LâĂ©quilibre entre ces deux amours ouvre la possibilitĂ© de la morale augustinienne, comme morale de la libertĂ© et du choix ultime entre le bien et le mal, appartenant toujours Ă lâhomme. On sait que cet Ă©quilibre, Ă lui seul, ne suffit pas pour parvenir au salut â la grĂące Ă©tant la condition ultime pour la rĂ©alisation de cette possibilitĂ©20. 24Chez Bruno, en revanche, on retrouve trois types dâordre 21 Cf. L. Salza, MĂ©tamorphose de la physis. Giordano Bruno infinitĂ© des mondes, vicissitude des chos ... lâordre nĂ©cessaire de production naturelle, qui sâexplique comme nĂ©cessitĂ© de la vicissitude des choses. La nature sâexprime comme matiĂšre et comme pensĂ©e, mais tandis que la pensĂ©e demeure toujours la mĂȘme intellect agent universel, la matiĂšre sâindividualise en des corps, et câest cette individuation corporelle, dĂ©finie par la spĂ©cificitĂ© des organes, qui permet de diffĂ©rencier les espĂšces vivantes. Cette individuation organique est le rĂ©sultat de mĂ©tamorphose, de lâordre nĂ©cessaire et Ă©ternel des vicissitudes naturelles. Lâhomme est le produit de cet ordre. Il sâagit dâun point crucial en reprenant la philosophie naturelle de LucrĂšce, Bruno dĂ©veloppe une ontologie de lâappartenance des ĂȘtres finis au mĂȘme ordre des choses, mais cette appartenance nâimplique nullement une uniformitĂ© et une indistinction ; il ne sâagit pas dâun ordre uniforme mais dâun ordre multiforme â celui de la mĂ©tamorphose21. Lâordre des espĂšces naturelles, qui dĂ©pend de la conformation des organes. Lâhomme ne possĂšde aucune destinĂ©e prĂ©fixĂ©e dans cet ordre des espĂšces ; il peut en revanche sâen construire une par la pratique, câest-Ă -dire par lâusage de lâorgane, la main, qui dĂ©finit son principe dâindividuation. Dans lâordre dâappartenance Ă la mĂ©tamorphose, il existe des points dâindividuation qui sont dĂ©terminĂ©s par les spĂ©cifications de la matiĂšre, par la formation des organes. Câest le cycle infini de la mĂ©tamorphose qui produit les organes, donc les individus. Bruno dĂ©veloppe une vĂ©ritable anthropologie de lâorgane en effet, du point de vue de lâesprit, lâhomme est Ă©gal Ă une huĂźtre ou Ă un serpent. Câest sans doute ici que rĂ©side le noyau vĂ©ritable de la pensĂ©e antichrĂ©tienne de Bruno. Ă la lumiĂšre de ces prĂ©supposĂ©s, il est Ă©vident que lâopposition entre Bruno et Augustin concerne en particulier la dĂ©finition dâune anthropologie fondamentale pour Bruno, la notion de nature humaine nâest jamais prĂ©dĂ©terminĂ©e, elle nâappartient pas Ă un ordre hiĂ©rarchique â car lâordre naturel de production des ĂȘtres nâest aucunement hiĂ©rarchique. 22 Cette thĂ©matique Ă©tait dĂ©jĂ au centre de lâExpulsion de la bĂȘte triomphante. Lâordre mondain qui peut dĂ©river de lâutilisation de ces configurations corporelles ; il sâagit de lâordre de la morale. Or il est clair que câest la dĂ©termination de la place, de la fonction et de la finalitĂ© de la nature humaine dans lâordre naturel des choses qui permet de trouver les principes de la morale. Que se passe-t-il en effet lorsque une Ăąme sâincarne en un homme ? Câest-Ă -dire que lâhomme doit-il faire avec son corps, avec lâindividuation corporelle que lâordre de la mĂ©tamorphose naturelle lui a octroyĂ© ? Il se trouve face Ă deux possibilitĂ©s ou rester dans lâignorance, rester un Ăąne, comme les chrĂ©tiens, les aristotĂ©liciens et les sceptiques ou bien dĂ©velopper toutes les potentialitĂ©s inhĂ©rentes Ă sa nature et Ă son corps, comme lâĂąne de Mercure. On retrouve ici la thĂ©matique de lâExpulsion mĂȘme dans lâordre nĂ©cessaire de la vicissitude universelle des choses, lâhomme peut construire un ordre humain22. 25Mais il sâagit dâune possibilitĂ© et non pas dâune nĂ©cessitĂ© inscrite dans lâessence de la nature humaine. La preuve en est que les animaux sont probablement meilleurs que les hommes du point de vue de lâintelligence naturelle. Ce que nous avons en plus par rapport aux animaux nâest rien dâautre que la conformation de notre corps â la possibilitĂ© dâutiliser la main. Câest donc par la pratique et par la connaissance que nous pouvons constituer un ordre humain et dĂ©finir ainsi les principes dâune morale conforme Ă notre propre puissance organique. 26Ainsi, la morale de Bruno prĂ©suppose nĂ©cessairement son anthropologie organique mais elle prĂ©figure Ă©galement les stratĂ©gies de son dĂ©passement culturel le corps que nous sommes peut nous permettre de construire et dâinventer des formes de vie pouvant excĂ©der lâordre nĂ©cessaire de la nature. Câest lĂ que rĂ©side la possibilitĂ©, toujours incertaine, de dĂ©terminer les formes de la libertĂ© humaine. La morale brunienne est la morale qui rĂ©unit la vĂ©ritĂ© et lâignorance, la connaissance et lâasinitĂ©. Il sâagit de la morale de la docte ignorance. 27Câest dans cette optique que Bruno interprĂšte quatre Ă©pisodes de la Bible dâune maniĂšre totalement contraire Ă lâhermĂ©neutique chrĂ©tienne et en lâoccurrence augustinienne. 23 Bruno, OC, VI, p. 40. Le Paradis terrestre est une condition dâignorance et dâasinitĂ© et non pas de perfection anthropologique23. Il ne sâagit donc pas pour les hommes de retrouver la condition du Paradis terrestre mais au contraire de sâen Ă©loigner le plus possible, lâĂ©tat dâinnocence naturelle Ă©tant le vĂ©ritable Ă©tat dâignorance de lâhumanitĂ©. Or câest prĂ©cisĂ©ment cet Ă©tat dâinnocence que les protestants prĂ©tendent restaurer â en invoquant un rapport direct entre le crĂ©ateur et la crĂ©ature. 24 Ibid., OC, VI, p. 80. 25 Ibid., OC, VI, p. 32. Le geste dâAdam volant le fruit dĂ©fendu de lâarbre de la science est un acte de courage, comparable Ă celui de PromĂ©thĂ©e24. Pour Bruno, en effet, lâorgueil est la vĂ©ritable passion de la connaissance "lâorgueil, qui sâenhardit Ă lever la tĂȘte vers le ciel, a Ă©tĂ© bel et bien dĂ©racinĂ© car Dieu a Ă©lu les choses sans force pour confondre les choses du monde"25. Lâorgueil nâest donc pas le pĂ©chĂ© qui nous Ă©loigne de Dieu mais la premiĂšre vertu nous permettant de retrouver Dieu dans les choses. En ce sens, le pĂ©chĂ© originel ne peut pas exister, car ce pĂ©chĂ© prĂ©suppose prĂ©cisĂ©ment un ordre supĂ©rieur auquel lâhomme est destinĂ© par nature. En revanche, pour Augustin, nous nâavons pas le droit de rester Ă lâĂ©tat animal, parce que notre nature appartient Ă un ordre supĂ©rieur. Mais nous devons nous Ă©manciper de cette condition sans orgueil, câest-Ă -dire en restant humble, en faisant preuve dâhumilitĂ© devant le crĂ©ateur. Le savoir humain ne peut jamais prĂ©tendre remplacer la sagesse Ă©ternelle de Dieu. Une telle morale est pour Bruno celle de lâasinitĂ© et de lâoisivetĂ©. Câest la morale de lâignorance sans le savoir. Câest dire que pour Bruno la morale ne peut pas faire lâĂ©conomie de la curiositas, autrement dit de ce que Augustin considĂšre comme Ă©tant le vĂ©ritable pĂ©chĂ© dâorgueil. Mais il y a plus. En effet, a contrario, ce sont les augustiniens qui font vĂ©ritablement preuve dâorgueil car ils prĂ©tendent, par humilitĂ©, autonomiser lâhomme de lâordre naturel des choses. Le vĂ©ritable pĂ©chĂ© dâorgueil consiste pour Bruno Ă croire que lâhomme est la crĂ©ature privilĂ©giĂ©e de Dieu â la plus proche de la divinitĂ©, alors que lâhomme ne jouit dâaucun statut et dâaucune dignitĂ© mĂ©taphysique au sein de lâordre naturel. Cette dignitĂ© ne peut ĂȘtre que le rĂ©sultat, partiel et incertain, de son effort culturel. 26 Ibid., OC, VI, p. 80. La tour de Babel, câest-Ă -dire la multiplicitĂ© des langages, est la preuve de la vitalitĂ© des connaissances et du dĂ©sir de vĂ©ritĂ© des hommes. La richesse culturelle rĂ©side dans la multiplicitĂ© des langages, qui peuvent ĂȘtre créés et composĂ©s dâune maniĂšre absolument libre. "Nous sommes libres dâappeler les choses comme il nous plaĂźt et de limiter Ă notre guise les dĂ©finitions et le sens des mots, comme lâa fait AverroĂšs"26. Selon Bruno, toute tentative de rĂ©duire les connaissances humaines Ă lâunitĂ©, Ă un seul principe dâordre, relĂšve de la pure et simple ignorance. La nature humaine doit constamment se confronter Ă son animalitĂ©, Ă la nature qui dĂ©signe son appartenance Ă lâordre des choses â mĂȘme Ă lâanimalitĂ© qui pourrait le conduire Ă sa perte. Câest pourquoi lâhomme peut et doit devenir serpent. Lâesprit de lâhomme est en effet Ă©gal Ă celui du serpent. Ce qui diffĂ©rencie lâhomme du serpent est la constitution de son corps ; mais si lâhomme ne se fait pas serpent, il ne peut pas connaĂźtre sa spĂ©cificitĂ©. Câest cĂ©dant Ă la tentation du contraire que lâhomme dĂ©couvre ce quâil est et ce quâil peut devenir. En termes littĂ©raires, lâhomme doit "pactiser" avec le diable pour parvenir Ă sa vĂ©ritable "humanitĂ©". 27 Cf. Fulvio Papi, Antropologia e civiltĂ nel pensiero di Giordano Bruno, Florence, La Nouva Italia, ... 28Ainsi, pour G. Bruno, Ă la diffĂ©rence de saint Augustin, la divinitĂ© nâest pas "donnĂ©e" Ă lâhomme, mais elle doit ĂȘtre "construite" par lâhomme, par son activitĂ©, sa connaissance et sa "curiositas". La signification la plus profonde de la morale brunienne rĂ©side prĂ©cisĂ©ment dans la construction permanente de la divinitĂ© Ă partir de la civilisation et de la culture que lâ"animal-homme » produit en raison de sa conformation corporelle. Lâanimal homme nâexiste pas en dehors dâun projet culturel et dâun contexte de civilisation fondĂ© sur sa nature organique. La possession de la main fait de lâhomme un animal pouvant" excĂ©der lâordre naturel pour construire un ordre culturel. VoilĂ pourquoi la construction de la divinitĂ© de la part de lâhomme est une construction "civilisationnelle" enracinĂ©e dans un principe dâindividuation naturelle et organique. Cette construction de la divinitĂ© correspond ainsi Ă lâeffort visant Ă lâapprĂ©hension de la perfection de la nature humaine. La perfection de la nature humaine nâest possible quâĂ partir des pratiques, des institutions, des lois et des coutumes qui forment la civilisation "humaine"27. 28 Cf. A. Ingegno, Cosmologia e filosofia nel pensiero di Giordano Bruno, Florence, La Nouva Italia, 1 ... 29Ă la lumiĂšre de ces considĂ©rations, il apparaĂźt que ce qui est devenu indicible pour la langue philosophique de Bruno est la signification Ă©minemment thĂ©ologique de la notion dâordre â symbolisĂ©e par les concepts de transcendance divine, de hiĂ©rarchie cosmique et de dignitĂ© substantielle de la nature humaine. Cela ne signifie pas pour autant que Bruno "sĂ©cularise" la notion dâordre. Il opĂšre plutoÌt une mise en retrait de la thĂ©ologie spĂ©culative du domaine philosophique dĂ©sormais circonscrit par la rĂ©forme copernicienne. Pour Bruno, le sens thĂ©ologique de la notion dâordre est devenu indicible, car il sâagit dâune "parole philosophique" qui ne dit plus rien dâaffirmatif et qui nâappartient plus Ă sa langue philosophique. En revanche, cette notion acquiert un autre sens, celui qui dĂ©coule de la rĂ©forme copernicienne câest celui de la mĂ©tamorphose des ĂȘtres finis dans lâunivers infini. Par son travail spĂ©culatif, Bruno opĂšre ainsi une transformation philosophique de la notion thĂ©ologique dâordre28. 29 Cf. Tristan Dagron, UnitĂ© de lâĂȘtre et dialectique Giordano Bruno, Paris, Vrin, 1999. 30De ce point de vue, Bruno nâest plus un penseur humaniste de la Renaissance la notion dâordre ne renvoie pas Ă un soubassement exclusivement thĂ©ologique comme chez Marsile Ficin, Pic de la Mirandole ou Luther. Elle dit dĂ©sormais "autre chose". Mais en mĂȘme temps, Bruno attribue un sens nouveau Ă cette notion dans le contexte dâune tradition culturelle propre Ă la Renaissance, celle qui fait rĂ©fĂ©rence Ă la pensĂ©e magique dâAgrippa, au lullisme, Ă lâaverroĂŻsme de lâĂ©cole de Padoue, au nĂ©oplatonisme florentin. En ce sens, Bruno est encore un philosophe de la Renaissance. Sa langue philosophique nomme une rĂ©alitĂ© nouvelle avec des mots anciens. Ă cet Ă©gard, le rapport de Bruno avec le nĂ©oplatonisme est exemplaire29. 30 Pour une interprĂ©tation plus "scientiste" de la pensĂ©e de G. Bruno, cf. H. Gatti, Giordano Bruno an ... 31Peut-on dĂšs lors affirmer que Bruno est dĂ©jĂ un philosophe baroque ? Oui, en partie, parce quâil utilise des concepts de mĂ©tamorphose, de mouvement, de variation de transformation pour penser lâordre naturel des choses. Mais pas tout Ă fait, parce que le seuil indĂ©passable de la rĂ©forme copernicienne ne reprĂ©sente pas encore la condition nĂ©cessaire pour la formulation dâune thĂ©orie scientifique fondĂ©e sur les mathĂ©matiques, comme chez Descartes30. 32Il existe ainsi chez Bruno un double indicible quant Ă la notion dâordre par rapport Ă la thĂ©ologie dâorigine augustinienne et par rapport Ă la science moderne, câest-Ă -dire par rapport aux principes transcendants fondant la mĂ©taphysique et par rapport aux dĂ©veloppements mathĂ©matiques de la rĂ©forme copernicienne. Ce que la langue philosophique de G. Bruno ne peut plus dire est la transcendance Ă©minente et hiĂ©rarchique de lâordre divin, de lâordre mondain et de lâordre humain ; et ce quâelle ne peut pas encore entiĂšrement "dire" est la signification moderne de cette notion, telle quâelle se trouve par exemple chez Descartes. 33On sait en effet que Descartes fait de la notion dâordre le soubassement de sa philosophie. Lâordre des raisons aboutit Ă la dĂ©couverte de lâidĂ©e de Dieu en tant quâidĂ©e premiĂšre, comme seule et unique garantie de lâordre du monde chez Descartes, câest justement la thĂ©ologie qui lĂ©gitime lâarbre de la connaissance, câest-Ă -dire la fondation vĂ©ritable de la rĂ©forme copernicienne et galilĂ©enne. Descartes, aprĂšs Bruno, introduit Ă nouveau dans le champ philosophique la notion augustinienne dâordre, dans un sens thĂ©ologique et moral ; il suffit Ă cet Ă©gard de penser Ă la troisiĂšme maxime de la morale par provision. 31 Voir Ă ce propos Jean-Pierre CavaillĂ©, Descartes. La fable du monde, Paris, Vrin, 1992. 34Descartes est ainsi, de ce point de vue, un philosophe baroque, car il est obligĂ© de faire appel Ă la thĂ©ologie pour justifier sa conception scientifique et mĂ©canique du monde. Descartes reconnaĂźt la nĂ©cessitĂ© dâinclure lâordre thĂ©ologique dans la constitution de son systĂšme Ă rationalitĂ© forte, mais Ă la diffĂ©rence de Bruno, il ne fait plus rĂ©fĂ©rence Ă la tradition magique et hermĂ©tique pour illustrer les caractĂšres saisissants de cet ordre. VoilĂ pourquoi Descartes nâest plus un philosophe de la Renaissance et il est, en partie, un philosophe baroque. Mais Descartes nâest pas non plus un philosophe baroque dans le mĂȘme sens que Bruno, car on ne retrouve pas chez lui une rĂ©flexion radicale sur la mĂ©tamorphose, la variation, la mutation et le multiforme. Dans cette optique, Descartes nâest pas non plus un auteur baroque au mĂȘme sens que Bathasar GraciĂĄn ou GĂłngora31. 35En dĂ©finitive, comment peut-on appliquer les catĂ©gories Ă©pochales de Baroque et de Renaissance Ă un philosophe sui generis comme Bruno ? Dâune maniĂšre extrĂȘmement prĂ©cise et contextualisĂ©e. Ces catĂ©gories sont utiles quand elles sont employĂ©es de maniĂšre dynamique et ouverte, quand elles permettent de faire fonctionner des dispositifs â comme celui de la signification dâune notion thĂ©ologique par exemple â nĂ©cessaires pour expliciter les enjeux traversant les diffĂ©rents questionnements qui dĂ©finissent la spĂ©cificitĂ© dâun auteur. Elles sont utiles quand elles sont employĂ©es au pluriel. Elles permettent ainsi de nous faire comprendre quâil existe des auteurs qui se situent, en mĂȘme temps, au-delĂ et en deçà dâun seuil dâĂ©poque â câest-Ă -dire des auteurs qui travaillent avec des matĂ©riaux hĂ©tĂ©rogĂšnes transitant et passant dâune Ă©poque Ă lâautre. Certains auteurs et câest le cas de G. Bruno peuvent partager des problĂ©matiques communes avec des auteurs dâune autre Ă©poque et fournir nĂ©anmoins des rĂ©ponses diffĂ©rentes de ceux-ci ; au mĂȘme titre, ils peuvent formuler des solutions semblables Ă des problĂšmes diffĂ©rents. 32 Voir Michel Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966 1992, pp. 49-58. 36Ces catĂ©gories permettent de comprendre quâil nây a ni fixitĂ© ni rigiditĂ© dans les notions philosophiques â mais quâil nây a pas non plus de confusion, dâopacitĂ© ou dâimprĂ©cision. Lorsque nous parlons de "Baroque" ou de "Renaissance", nous nâavons pas affaire Ă un espace clos, Ă une "couche uniforme" ou Ă un "texte unique" selon la dĂ©finition cĂ©lĂšbre de la Renaissance proposĂ©e par M. Foucault dans Les mots et les choses32 mais Ă des frontiĂšres poreuses et permĂ©ables, Ă une surface composĂ©e dâaspĂ©ritĂ©s, habitĂ©e par des points de tensions, traversĂ©e par des courbes Ă gĂ©omĂ©trie variable ; autrement dit, nous sommes confrontĂ©s Ă un ensemble de composantes singuliĂšres et diffĂ©renciĂ©es que chaque auteur plie et transforme selon ses propres exigences conceptuelles. Câest ainsi que, dans les variations multiples de cette surface Ăąpre et spongieuse, la langue philosophique dâun auteur vĂ©hicule ses problĂ©matiques et formule ses solutions. Haut de page Notes 1 Cf. Hans Blumenberg, La LĂ©gitimitĂ© des temps modernes, Paris, Gallimard, 1999, pp. 543-545. 2 Cf. Michele Ciliberto, La ruota del tempo. Interpretazione di Giordano Bruno, Rome, Editori Riuniti, 1986. 3 Cf. Ă ce sujet, Alfonso Ingegno, La sommersa nave della religione. Studio sulla polemica anticristiana del Bruno, Naples, Bibliopolis, 1985 et aussi Regia Pazzia. Bruno lettore di Calvino, Urbino, Quattroventi, 1987. 4 Cf. M. A. Granada, Giordano Bruno. Universo infinito, uniĂłn con Dios, perfecciĂłn del hombre, Barcelone, Herder, 2002. 5 Cf. Michele Ciliberto, Giordano Bruno, Rome-Bari, Laterza, 1992. 6 Giordano Bruno, La Cabale du cheval pĂ©gasĂ©en, in Ćuvres complĂštes, t. VI, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 70 DorĂ©navant nous citerons OC, II, suivi du numĂ©ro de page. 7 Bruno, OC, VI, p. 60. 8 Ibid., p. 74-76. 9 Ibid., p. 82. 10 Ibid, p. 92-94. 11 Ibid., VI, p. 96. Sur la mĂȘme problĂ©matique, cf. ibidem, p. 26. 12 Ibid., p. 96-98. 13 Voir Arisote, De Anima, III, 8, 432 a 1, Paris, GF Flammarion, 1993, p. 239 "LâĂąme ressemble Ă la main. La main, en effet, constitue un instrument dâinstruments et lâintelligence, de son coÌtĂ©, une forme de formes, ainsi que le sens une forme des sensibles". 14 Cf. Nicola Badaloni, Giordano Bruno. Tra cosmologia e etica, Bari-Rome, De Donato, 1988. 15 Bruno, OC, VI, p. 112. 16 Voir A. Ingegno, "LâExpulsion de la bĂȘte triomphante. Une mythologie moderne", in Mondes, formes et sociĂ©tĂ© selon Giordano Bruno, textes rĂ©unis par T. Dagron et H. Vedrine, Paris, Vrin, 2003, p. 80. 17 Voir Ingegno, "LâExpulsion de bĂȘte triomphante. Une mythologie moderne", op. cit., p. 83. 18 Bruno, OC, VI, p. 34. 19 Ibid., p. 38. 20 Cf. Saint Augustin, Les Confessions, livre X ; sur la diffĂ©rence entre "amour dâusage" et "amour de jouissance", cf. De Doctrina christiana, en particulier livre I. 21 Cf. L. Salza, MĂ©tamorphose de la physis. Giordano Bruno infinitĂ© des mondes, vicissitude des choses, sagesse hĂ©roĂŻque, Paris-Naples, Vrin â La CittĂ del Sole, 2005. 22 Cette thĂ©matique Ă©tait dĂ©jĂ au centre de lâExpulsion de la bĂȘte triomphante. 23 Bruno, OC, VI, p. 40. 24 Ibid., OC, VI, p. 80. 25 Ibid., OC, VI, p. 32. 26 Ibid., OC, VI, p. 80. 27 Cf. Fulvio Papi, Antropologia e civiltĂ nel pensiero di Giordano Bruno, Florence, La Nouva Italia, 1968. 28 Cf. A. Ingegno, Cosmologia e filosofia nel pensiero di Giordano Bruno, Florence, La Nouva Italia, 1978. 29 Cf. Tristan Dagron, UnitĂ© de lâĂȘtre et dialectique Giordano Bruno, Paris, Vrin, 1999. 30 Pour une interprĂ©tation plus "scientiste" de la pensĂ©e de G. Bruno, cf. H. Gatti, Giordano Bruno and Renaissance Science, London, Cornell University Press, 1999. 31 Voir Ă ce propos Jean-Pierre CavaillĂ©, Descartes. La fable du monde, Paris, Vrin, 1992. 32 Voir Michel Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966 1992, pp. de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Saverio Ansaldi, La double nature de lâordre. Giordano Bruno et saint Augustin Ă propos de la Cabale du cheval pĂ©gasĂ©en », Ătudes ĂpistĂ©mĂš [En ligne], 9 2006, mis en ligne le 01 avril 2006, consultĂ© le 27 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteur Saverio AnsaldiSaverio Ansaldi est maĂźtre de confĂ©rences en philosophie Ă lâUniversitĂ© de Montpellier III â Paul ValĂ©ry. Il a publiĂ© La tentative schellingienne. Un systĂšme de la libertĂ© est-il possible ? LâHarmattan, 1993 ; Spinoza et le baroque. Infini, dĂ©sir, multitude KimĂ©, 2001. Il a Ă©galement coordonnĂ© lâĂ©dition française des Ă©crits de Carl Gebhardt, Spinoza. JudaĂŻsme et baroque Presses de lâUniversitĂ© de Paris-Sorbonne, 2000.Haut de page .